La passion des français pour les jeux d’argent est-elle due à la chance ou au hasard? Cette question est bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Le jeu d’argent a toujours existé dans la société occidentale, et le mot chancelui même vient de la manière dont les dés tombent. Mais il a toujours été encadré, et, comme pour beaucoup de passions, les excès ont été limités ou blâmés. Deux raisons à cela :
Dans une société où l’effort et le travail sont les valeurs principales, la bonne fortune paraît bien immorale. Il faut mériter la chance en quelque sorte. Ce qui, avec le recul, paraît être une conception bien injuste puisque, selon le dicton bien connu, « on ne prête quaux riches« . En clair, les puissants sont autorisés à avoir de la chance, mais pour les personnes de condition modeste, cela paraît étrange et un soupçon d’amoralité ou de malhonnêteté surgit. Triste sort ! La chance n’est vraiment pas égale pour tous.
Il y a pourtant un tournant à la fin du XXè siècle que pressent très bien Jean-Michel Gaillard dans son livre Tu seras riche mon fils :
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Au temps long de l’enrichissement par le travail, l’épargne, l’ascension sociale ou l’héritage, auquel nous consacrons tant d’efforts, nous aoutonsle temps court du hasard, celui qui fait bien les choses, et procure en un tournemain ces sommes mirobolantes qu’il faut en général de longues années pour acquérir (…). On joue partout, on joue tout le temps, et tout le mondejoue, car, s’il est une démocratie qui fonctionne bien, c’est celle-là. Le jeu d’argent est l’utopie de stemps modernes, la seule qui semble avoir progressé en ces années d’effondrement du XXe siècle. (…) Ainsi va la frénésie du jeu. Elle s’accroît d’année en année, au fur et à mesure que s’approfondit lacrise et qu’augmente le nombre de chômeurs.
Jean-Michel Gaillard, Tu seras riche mon fils. Les français et l’argent, Plon, 1994, p. 46, 48,55
Dans cette citation, on sent bien le regard critique de l’auteur, mais, avec 30 ans de recul, on peut y déceler les indices de ce qui a changé dans notre rapport à l’argent et au jeu d’argent.
De fait, les évolutions techologiques nous ont libéré du travail pénible, et le développementd es communicatiosn permet aujourd’hui à n’importe quel génie de se faire connaître et s’enrichir. Des success stories, nous en avons plein : Microsoft, Apple, princesse Tam-Tam, Monceau Fleurs, les biscuits Michel&Augustin, etc.etc. etc.
C’est comme une libération. Oui, on peut s’enrichir, oui on peut gagner. Oui, la roue peut trourner. oui je mérite autant qu’un autre. Oui, je peux me lancer maintenant. Oui, la chance est pour tous en quelque sorte.
Bref, les esprits se sont libérés, il est possible de croire en sa chance. Les plus audacieux s’en remettent au hasard.
Il n’y a plus de lendemanis qui chantent. A vrai dire, la crise qui commençait seulement à la find es années 90 et la montée du chômage de masse montre les limites du système : d’une part, nosu touchons les limites du salariat, et d’autre part nous découvrons – parfois durement – cette réalité économique selon laquelle il vaut mieux inventer son revenu que l’attendre d’autrui. Chance pour nous, le système d’information mondial permet d’être informé et acteur n’importe où dans le monde immédiatement. Plus de lendemains qui chantent, c’est aujourd’hui que peut tout arriver. Aujourd’hui que je peux tenter ma chance.
Eh oui… Loto, tiercé, tombola, grattage, tirage au sort… Même l’Etat s’y est mis et nous encourage à jouer. le développement des communications permet même de jouer à des lotteries européennes, l’Euromillion n’en est qu’un exemple parmi d’autres. Les entreprises elles-mêmes développent des concours et jeux pour séduire et attraper leurs clients. Le jeu est marketing et le marketing est jeu. Oui, on joue partout !
EN 30 ans, voilà une belle évolution des mentalités. On joue partout, reste à s’amuser.
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