Le chryzanthème, plante porte-bonheur au Japon

Ozukuri, nom japonais du chryzanthème
Pas sûr qu’on connaisse vraiment le chrysanthème. S’il est symbole de deuil en France, ce n’est que suite à un mauvais concours de circonstances. Au pays du soleil levant, ont il est originaire, il s’agit d’une véritable plante porte-bonheur, symbole de joie et de longévité !

La présentation de deux chrysanthèmes géants, installés sous le péristyle du Grand Trianon (jardins du château de Versailles) du 1er au 15 novembre 2014 est l’occasion d’en savoir un peu plus sur cette espèce et de lui rendre justice.

 

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Une espèce originaire d’Asie

Le chrysanthème qui semble si bien adapté à nos climats, avec sa floraison  juste avant l’hiver, est en fait originaire d’Asie. C’est un botaniste et naturaliste suédois, Carl von Linné, qui va faire connaître le chrysanthème en Europe, grâce à des boutures rapportées de Chine et du Japon. Il se répand tout au long du XVIIIème siècle dans les jardins français, où l’on apprécie la vivacité de ses fleurs. Botanistes et horticulteurs rivalisent de talents pour varier les espèces par de savants croisements. La production s’intensifie et se diversifie à la fois au point de donner de nombreuses variétés colorées.

chrysantheme-japon

La fleur du deuil et des morts ?

Les couleurs vives et variées de ces fleurs ne plaident pas pour qu’elles soient associées à la tristesse. Mais voilà, c’est aussi une plante qui se tient bien et c’est une des dernières floraisons avant le gel de l’hiver. En France, elle a surtout la fâcheuse idée de fleurir au moment deux fêtes religieuses assez populaires : la Toussaint du 1er novembre et la « fête des morts » le lendemain, 2 novembre, occasion d’honorer les chers disparus et de fleurir leurs tombes, qu’ils soient morts en odeur de sainteté ou qu’ ils soient portés dans les prières chrétiennes par affection et solidarité avec l’ensemble de l’humanité appelée à vivre en paix avec Dieu.

A la fin de la première guerre mondiale, le Président Poincaré demande à ce qu’on rende hommage aux soldats morts pour la France en fleurissant tous les monuments aux morts de nos villages, opération reconduite dès le 11 novembre avec les commémorations de l’armistice. Un temps le chrysanthème est appelé «  la fleur des veuves », en référence aux femmes de soldats qui allaient fleurir les tombes de leurs maris.

Et voilà comment cette plante aux mille couleurs  va se trouver associée à l’idée du deuil.

L’ozukuri, un arbre à fleur, gigantesque

Mais revenons à la fleur d’origine, telle qu’elle va être exposée au grand Trianon. Il s’agit en fait d’un arbre, appelé ozukuri au Japon. Ces grands chryzanthèmes sont soignés avec grand soin par des jardiniers qui s’y consacrent exclusivement.

Les arbres se déploient à partir d’un seul et même pied autour duquel germe une structure en forme de dôme. Les fleurs à l’extrémité des branches sont enserrées dans des cercles concentriques horizontaux et créent une demi-sphère florale aux dimensions monumentales. Le diamètre de ces œuvres végétales peut atteindre trois à quatre mètres et comporter plusieurs centaines de milliers de fleurs à son sommet

Il faut compter une année à partir d’une racine pour obtenir des centaines de fleurs disposées en dôme à l’aide d’une méthode de pincement et domestication. Ce style original appelé « mille boutons » est né dans les jardins impériaux en 1884 et s’est répandu ensuite dans tout le Japon. L’entretien et la taille sont tellement spécifiques qu’il nécessite des jardiniers spécialement formés, et les deux exemplaires présents à Versailles ne feront pas exception puisqu’ils seront accompagnés de soigneurs japonais attitrés.
structure ozukuri
L’origine chinoise du chrysanthème

Il semble que cette plante fut, importée de Chine vers le Japon, vers le Vème siècle, pour ses vertus médicinales. Dans la pharmacopée chinoise, elle est consommée en infusion ou en alcool. L’alcool de chryzanthème aiderait en effet à améliorer la vue, à guérir les vertiges, à baisser la tension artérielle, etc. Elle agit également en cas de montée du yang du foie.

En Chine, on trouve encore trace de festivités remontant probablement à l’ère Han ((794 à 1185 ap. J.-C.), durant lesquelles on met en valeur et on admire les couleurs des chrysanthèmes, on boit de l’alcool de chrysanthème et on danse. C’est le cas par exemple lors la fête du Double Neuf.

Au-delà de l’aspect médicinal, ce qui est honoré c’est la capacité de cette fleur à se battre à contre les éléments et à produire de multiples fleurs. Pour les Chinois, cette plante est symbole de bravoure et de persévérance, parce qu’elle fleurit en plein automne, période où il commence à faire froid, et qu’elle reste droite malgré les bourrasques de vent.

Un dicton chinois dit même  « si tu veux être heureux toute une vie, cultives les chrysanthèmes »! ».

La symbolique du chryzanthème au Japon

Une fois entrée au Japon, le chrysanthème prit par la suite un sens et une symbolique plus particuliers au sein de la société impériale.

Depuis l’ère Edo (1603 à 1868 ap. J.-C.) le neuvième mois de chaque année, la fleur de chrysanthème est à l’honneur. Le mois de septembre est ainsi dénommé mois du chrysanthème (« kiku-zuki »). Au neuvième jour du mois de septembre des fêtes sont organisées dans tout le japon, des expositions de chrysanthèmes sont mises en places et des petites figurines (« kiku-Ningyô« ) sont exposées. Ces festivals de chrysanthèmes sont nommés « Kikka no En« , ou  « Kikku no Sekku« .

 

Poupées en chrysanthème lors d'une fête à Yamagata.Poupées en chrysanthème lors d’une fête à Yamagata.[/caption]

Très vite, le chrysanthème va devenir un emblème impérial. Considérée comme la plus noble des fleurs, l’Empereur du Japon utilise cette fleur comme symbole depuis la période de kamakura (1185 à 1333 ap. J.-C.). Ce fut l’empereur  Go-Toba (1179/1184 à 1198/1239 ) qui l’utilisa le premier.

Aujourd’hui encore, bien que cet emblème n’est plus d’existence officielle depuis 1947, il est utilisé comme symbole de la famille impériale ou du shintoïsme.

Présenté comme symbole impérial, il a toujours le même nombre de pétales : seize pétales doubles pour l’empereur, 14 pétales simples pour le reste de la famille impériale. Il est également parfois utilisé pour des actes administratifs, et il a alors 16 pétales simples, comme sur le passeport japonais par exemple. Et on le retrouve sur de nombreux bâtiments religieux dédiés à la religion impériale : le shintoïsme.

 

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Le chrysanthème, signe de joie et d’éternité

Aucun « Ozukuri » n’a été présenté en France depuis l’Exposition universelle de Paris en 1900, il s’agit donc de circonstances exceptionnelles qui veulent marquer le 90ème anniversaire du 90e anniversaire du partenariat culturel franco-japonais entre le château de Versailles et le parc impérial du Shinjuku Gyon.

C’est donc un honneur que nous fait le Japon par cette présentation exceptionnelle de deux Chrysanthèmes géants, issue d’un art traditionnel et sacré.

Loin du deuil, il s’agit au Japon du symbole de la joie et l’éternité On lui attribue la capacité de rendre la vie plus belle et longue, symbolisée par sa floraison tardive et colorée qui semble dire que jusque dans ses dernières heures, la vie porte des fleurs colorées qu’elle partage abondamment.

 

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